A la fin des années 80, la crise de la sidérurgie dans l’est de la France plaque au tapis tout un monde ouvrier ! Le centre Pompidou et les Cahiers du CCI m’envoient en Lorraine travailler sur les usines en déshérance.
J’aime les Usines, ces modules géants de tôle et de béton où s’effectue encore la dernière alchimie visible à l’oeil humain, la transformation de l’acier. Immenses mécanos aux cheminées crachant des fumées de couleur, aux formes futuristes et mystérieuses, ils ont fait partie de mes paysages. Et puis un jour, on a commencé à les détruire et ils sont tombés tels des châteaux de cartes, des géants blessés. Je suis toujours rentrée par ces portes monumentales, émerveillée, hors échelle moi-même, telle Alice prenant peur.
Ce fut une aventure extraordinaire et humaine aussi, même si les hommes en sont absents et ne sont plus alors que témoignages et nostalgie au milieu de la razzia.
Ces photographies, dans lesquelles s’interposent des installations de pigments et de feu ravivent ce monde enflammé !
« D’épais nuages noirs masquent les flammes et les architectures mais, l’instant d’une prise de vue, le vent dégage le ciel et surgit le somptueux paysage qui crache le feu en mugissant, don généreux du réel à la légende.
La couleur a lâché la lumière et renforcé le sens. Les zones transfigurées, - à l’instant de la prise de vue- deviennent de grands paysages : Pompéi, la Mer Morte, Constantinople ou l’Eldorado.
Dans le paysage, il faut consulter les auspices avant de tenter l’action, tel le Stalker de Tarkosvky. On ne possède pas la zone, mais on peut, en l’exploitant, extraire un troisième terme déchiffrable par l’action, la couleur, la poésie. » Laure Vernière dans un beau texte poétique in les Cahiers du CCI n°4.
*Exposition au Centre Pompidou