Le scandale s’habille parfois et d’une manière paroxystique de beauté picturale ! AG, 2011
Lors de mon dernier voyage au Bangladesh, j’ai pu photographier les chantiers de démantèlement des grands navires occidentaux à Chittagong. Ces photographies rares dénoncent un commerce mondialisé ultra libéral, une exploitation sans limite des travailleurs esclaves venant des îles du Brahmapoutre et l’impunité d’une économie sans règles ni respect.
Chittagong est l’un des plus grands ports méconnus d’Asie du Sud. Port de containers d’où partent pour l’Occident les productions textiles réalisées au Bangladesh au plus bas prix…port de coolies aux cadences infernales… où l’esclavage est au plus haut.
Même si j’avais vu les images remarquables du grand photographe américain Edward Burtynsky, lorsque je me suis retrouvée seule face à ce spectacle à la fois terrible et grandiose, j’ai ressenti une immense émotion esthétique, mais surtout un sentiment brûlant de révolte ! C’était le soir. Le coucher de soleil enveloppait les scènes d’une douceur inappropriée et inacceptable. Les ouvriers-esclaves au sourire si doux, traversaient avec élégance la distance boueuse entre le navire échoué au loin et le rivage. Les structures en porte à faux d’acier rouillé imposaient leurs silhouettes géantes telles des sculptures de Richard Serra.
À Chittagong, impossible de ne pas penser aussi à Marguerite Duras qui cite ce nom de tambour d’Asie sans y être jamais allé…une musique répétitive envoûtante qui s’est confrontée à la réalité que j’ai voulu « crépusculaire », une couleur qui traverse son œuvre et peut-être la mienne…
« les plus grands deltas de la terre. Ils sont de vase noire. Ils sont vers Chittagong. »
Marguerite Duras.
« Gigantesque scène d’un drame rythmé par les coups de tonnerre des cavernes d’acier qui s’écroulent dans un port fantôme. Recyclage dans le scrap yard de Chittagong de blocs chamboulès de cargos et pétroliers aux matériaux toxiques qui mangent la peau et imprègnent la terre. … et tomber amoureux de l’homme aux lèvres rouges. » dit Jean Pascal Billaud dans Photo Doc
« L’œil d’Anne Garde ressemble à celui d’un architecte saisissant l’esthétique du chaos. » dit Laurie Bodescher dans Sud Ouest
cf.« The last Rites » de Yasmine Kabir cf.« Ironeaters » Les bouffeurs de fer de Shaheen Dill-Riaz.