« Shiva Blues » est la vision d’un monde quand nous parcourions les routes de l’Inde du Nord à la recherche de trésors, de formes, d’architectures et d’objets…Sur les routes brûlantes et sablonneuses du Rajasthan, nous croisions ces hommes et ces femmes, beaux comme des dieux. Alors, je sortais de l’Ambassador qui me servait d’atelier et je les capturais avec le plus beau des appareils photographiques, l’Hasselblad chargé d’un film 120-6X6, le seul à avoir été autorisé à faire les photos sur la Lune…De retour, je plongeais ces films inversibles que l’on appelait aussi diapositives quand ils étaient de plus petite taille, dans un bain chimique différent. Je perdais la transparence de l’image, mais récoltais un négatif dont jaillissait des couleurs inversées et insensées.
Ce qui me retint alors, c’est qu’au coeur de ces vives couleurs, la chair des humains était bleue.
L’envers des couleurs et des ombres rejoignait le mythe de Shiva à La Gorge Bleue, nommé « Neelkanta ».
Lorsque l’on revisite des photographies prises il y a trente ans, la perception des formes et des sujets n’est jamais la même que celle ressentie après la prise de vue par le regard impatient. Ressurgissent alors des sens cachés, des parfums, des structures et des couleurs qui semblaient invisibles à l’oeil aveuglé par les sensations liées au plaisir secret de la captation, et du rapt.
Longtemps après la prise de vue, en inversant le positif en négatif, j’ai obtenu une coloration inversée et j’ai trouvé dans la pellicule photonégative une nouvelle organisation plurichromatique qui s’est révélée plus puissante et réveuse que le positif de l’image.
C’est un geste très photographique et cela va de pair avec l’inversion géométrique de l’image dans le viseur de l’Hasselblad.
Voir à l’envers, voir l’envers: Ces attitudes liées à l’usage et à la pratique de la photographie argentique imposent un temps de réflexion et de méditation qui fait partie de la création de l’image définitive et en révèlent les secrets...